• BURUNDI : JE T’AIME, MAIS JE TE QUITTE…

    BURUNDI : JE T’AIME, MAIS JE TE QUITTE…

    Qu’est-ce qui peut pousser un Burundais à s’en aller loin de sa patrie, quitter les siens, abandonner tout pour partir vers l’inconnu ? La peur du lendemain ? Un avenir incertain pour sa progéniture ? Un ‘’remake’’ du passé douloureux que le Burundi a connu ? Tout cela se conjugue pour aboutir à décision ultime : aller voir ailleurs pour ne pas vivre avec le remord de ne pas avoir essayé. Coup de gueule.  

    Cher Burundi,

    Je suis fatigué, épuisé par la cherté de la vie qui nous étrangle, chaque jour un peu plus. Je ne demande pas la richesse, juste la possibilité de vivre dignement, mais cela semble devenir un luxe inaccessible ces jours-ci.

    Je suis en colère, révolté par l’inflation galopante qui fait fondre mes rêves chaque jour. Mes économies fondent comme neige au soleil. Encore que parvenir à épargner aujourd’hui relève du miracle. Je me plains alors que j’ai un travail qu’on qualifierait de « décent » et un salaire à la fin du mois. Qu’en est-il de ceux qui n’ont rien et une famille à nourrir ? J’ose à peine l’imaginer. En temps normal, je ne crois pas aux miracles. Mais là, je pourrais peut-être affirmer que les miracles existent finalement quand je pense à ces gens. 

    Cher Burundi, 

    Je suis frustré, blessé par le manque de satisfaction de nos besoins primaires. Que répondre à ses enfants quand ils réclament du thé ou de la bouillie, quand le sucre coûte 7000 Fbu le kilo dans la vraie vie ? Car oui, les histoires de 3300 Fbu là, c’est juste dans leurs papiers. 

    L’accès à une éducation de qualité est essentiel pour nos enfants, mais cela reste un rêve inatteignable pour beaucoup d’entre nous. Les services de santé adéquats semblent être un mirage lointain. Même nos médecins jettent l’éponge.  

    Je suis terrorisé, anxieux face à la période électorale qui approche. Je suis né et j’ai grandi avec le bruit des fusils. Je me suis juré que mes enfants ne vivront pas ce que j’ai vécu. L’on pourra beau dire que « ata ngwano izosubira kuba mu Burundi », je n’ai pas confiance. Comment le pourrais-je ? J’ai vu trop d’horreurs et la peur que ça dégénère est toujours là, tapie quelque part, au fond de mon être.  Je veux simplement vivre en paix, en sécurité chez moi, mais cela n’est pas possible ici. Mes enfants méritent un avenir meilleur, rempli d’espoir et de promesses, mais comment leur offrir cela dans un pays en proie à tant de difficultés ? Je veux leur offrir un environnement sûr et propice à leur épanouissement.

    Après de longues nuits d’insomnie, de débats intérieurs et de combats avec mes émotions, j’ai pris une décision difficile mais nécessaire : te quitter. Ce ne sera pas un abandon, ni une fuite devant les défis qui assaillent notre nation. Ce sera un acte de survie, un choix motivé par le désir d’offrir à ma famille un avenir meilleur, plus sûr et plus prometteur.

    Partir du Burundi ne sera pas un reniement de mes racines, de ma culture ou de mon amour pour toi. C’est une prise de conscience que les circonstances actuelles rendent difficile, voire impossible, de réaliser nos rêves et nos aspirations ici. En tant que parent, ma priorité est de créer un environnement propice à l’épanouissement de mes enfants, où ils peuvent grandir sans peur ni privations, où l’éducation et les opportunités sont à leur portée.

    La décision de te quitter n’est pas prise à la légère. Elle est accompagnée d’une lourde dose de tristesse et de nostalgie, car je laisserais derrière moi des souvenirs précieux, des liens familiaux et amicaux, ainsi que des traditions qui ont façonné mon identité. Mais je suis convaincu qu’il est temps de prendre ce chemin afin de préserver l’espoir pour l’avenir.

    En partant, je ne tournerai pas le dos à mon pays. J’aimerais pouvoir dire que je garderai dans mon cœur l’espoir que les choses changeront un jour, qu’un jour un citoyen lambda burundais pourra vivre dans la dignité et la sécurité, où les besoins de base seront satisfaits, où l’éducation sera accessible à tous, et où l’insécurité ne sera qu’un lointain souvenir. Mais je mentirais, car je n’y crois pas. Plus maintenant. Qu’est-ce qui me garantit que l’herbe est plus verte ailleurs ? Rien. Mais je m’en voudrais de ne pas avoir cherché mieux. J’aurai au moins essayé. 

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